Cet article est un résumé d'un papier commandé par l'OCIM pour une publication à venir en juin 2012 sur le thème "Musées et recherche, les alliances dans le contexte des mutations". Je présente deux pistes dans
lesquelles le CCSTI de Grenoble s’est engagé, avec d’autres, pour prendre une part plus active dans la co-construction des
connaissances entre publics, experts et décideurs.
Atelier sur la Ville connectée à l'Ecole d'Architecture de Grenoble (2008) |
De l'enquête auprès des visiteurs à la participation des publics
Dans les années 1990 et 2000, muséums et CCSTI ont mis en œuvre des pratiques de plus en plus réflexives, en s'emparant des différentes méthodes d’évaluation et des études de public. Ils se sont mis progressivement à produire des connaissances, en premier lieu sur les caractéristiques sociologiques de leur public, puis sur leurs motivations, et enfin sur ce que les visiteurs retiennent d’une exposition ou de toute proposition culturelle. Ces connaissances, locales, étaient d’abord destinées à améliorer, renforcer, l’offre culturelle par une meilleure compréhension des attentes et pratiques des publics. Puis, certaines institutions, concentrées sur l’élaboration de nouveaux modes de médiation bousculant le schéma classique descendant de la diffusion des savoirs, ont tenté des rapprochements entre enquête et participation des publics – les deux démarches s’inscrivant dans la même dynamique d’une meilleure prise en compte des attentes et compétences des visiteurs.
Dans les années 1990 et 2000, muséums et CCSTI ont mis en œuvre des pratiques de plus en plus réflexives, en s'emparant des différentes méthodes d’évaluation et des études de public. Ils se sont mis progressivement à produire des connaissances, en premier lieu sur les caractéristiques sociologiques de leur public, puis sur leurs motivations, et enfin sur ce que les visiteurs retiennent d’une exposition ou de toute proposition culturelle. Ces connaissances, locales, étaient d’abord destinées à améliorer, renforcer, l’offre culturelle par une meilleure compréhension des attentes et pratiques des publics. Puis, certaines institutions, concentrées sur l’élaboration de nouveaux modes de médiation bousculant le schéma classique descendant de la diffusion des savoirs, ont tenté des rapprochements entre enquête et participation des publics – les deux démarches s’inscrivant dans la même dynamique d’une meilleure prise en compte des attentes et compétences des visiteurs.
Les visiteurs sont envisagés comme un
échantillon particulièrement représentatif de la fraction de la population
intéressée par les sciences, les technologies, et leurs développements. La
parole recherchée ne concerne alors plus uniquement l’expérience de visite et
déborde du cadre de la pratique muséale ou culturelle. Il s’agit de recueillir
et de mettre en circulation sur des pages internet dédiées ou parfois au sein
même de l’exposition [voir photo ci-après] les
témoignages, opinions, contributions diverses des visiteurs. Produits « à
chaud », c’est-à-dire au moment de la visite, ou de façon préméditée (dans
le cadre d’un concours photo ou vidéo par exemple), ces matériaux textuels ou
iconiques peuvent devenir partie intégrante de l’exposition, et contribuer à
son animation tout au long de sa présentation. Le visiteur s’implique ainsi
dans le processus de médiation et, par son geste, atteste de la dimension
pluraliste et participative de l’exposition.
Au-delà de ce qu’on pourrait
décrire comme un simple renouveau des expériences de muséologie participative
initiées dans les années 1970, ces pratiques contributives sont aussi abordées
par les institutions culturelles comme des terrains pour les études de
science-technologie-société (STS). Que pensent les Français des recherches et
développement en nanotechnologies ? Comment abordent-ils les enjeux du
changement climatique ? Ou ceux des libertés individuelles mises à
l’épreuve de la société de l’information ? Les diverses
contributions des publics constituent dès lors des corpus pouvant être étudiés
et analysés comme n’importe quel autre. Leur étude vient donc enrichir l’état
des connaissances sur les attitudes, représentations et pratiques du public
vis-à-vis des sciences et techniques.
Contributions du public dans l'expo Nano |
Quelques contributions du public dans l'expo Nano à la Casemate |
Artistes, scientifiques et médiateurs
Autre piste d’action engageant les structures culturelles
dans la production de connaissances, le développement de projets croisés entre
artistes et scientifiques. Certains dénonceront un effet de mode, voire
d’opportunisme de la part d’artistes (ou d’institutions culturelles) cherchant
de nouvelles sources d’inspiration ou de financement. D’autres discuteront à
l’infini des risques d’instrumentalisation de l’art par la science – ou de la
science par l’art – et des similitudes ou différences de nature des deux activités. Je m’intéresserai pour ma part à ce qui change pour l’artiste ou le
chercheur grâce à ce type de collaboration.
Chercheur au CEA, Dominique David a contribué à la création de
plusieurs spectacles ou installations artistiques. De ses expériences, il
dessine plusieurs catégories d’apport pour son travail scientifique. De
l’artiste « visionnaire », à l’artiste « aiguillon », en
passant par l’artiste « utilisateur final » idéal, il témoigne de la
richesse et de la variété des formes et effets sur sa pratique personnelle de
la recherche. Car la confrontation avec un artiste oblige d’envisager ses
propres connaissances et ses pratiques scientifiques sous un autre angle. Ce
décalage produit réflexivité et resourcement ; il peut aussi conduire à de
nouvelles idées, de nouvelles approches et – sans pourtant la rechercher
obstinément – déboucher sur une innovation.
C’est pour favoriser ce type de démarche que l’Hexagone, scène nationale de Meylan, et le CEA Grenoble se sont alliés pour créer l’Atelier Arts-Sciences, comme un « laboratoire commun de recherche » fonctionnant sur l’organisation de résidences d’artistes dans des laboratoires scientifiques. Partant des inspirations ou attentes des artistes, le travail de ce laboratoire culturel consiste à identifier et mobiliser des chercheurs du CEA (comme Dominique David cité plus haut), capables de co-développer des dispositifs pour le spectacle vivant ou l’exposition. Il s’agit pour eux d’imaginer d’autres utilisations à certaines briques technologiques (capteurs, actuateurs, LEDs, nouvelles sources énergétiques, etc.), de les détourner de leurs finalités industrielles, et d’engager dans le même temps une réflexion d’ordre plutôt épistémologique sur ce qui est à l’œuvre dans ces manières de faire. Cette façon d’impliquer les chercheurs dans l’élaboration d’une création d’ordre artistique ressort d’une nouvelle pratique de la médiation entre les disciplines et les champs professionnels ; on peut y lire une nouvelle alliance d’institutions culturelles avec la recherche, fondée sur l’interdisciplinarité et la collaboration.
Sur le processus de création de l'exposition Les mécaniques poétiques d'EZ3kiel à la Casemate, 2009.
C’est pour favoriser ce type de démarche que l’Hexagone, scène nationale de Meylan, et le CEA Grenoble se sont alliés pour créer l’Atelier Arts-Sciences, comme un « laboratoire commun de recherche » fonctionnant sur l’organisation de résidences d’artistes dans des laboratoires scientifiques. Partant des inspirations ou attentes des artistes, le travail de ce laboratoire culturel consiste à identifier et mobiliser des chercheurs du CEA (comme Dominique David cité plus haut), capables de co-développer des dispositifs pour le spectacle vivant ou l’exposition. Il s’agit pour eux d’imaginer d’autres utilisations à certaines briques technologiques (capteurs, actuateurs, LEDs, nouvelles sources énergétiques, etc.), de les détourner de leurs finalités industrielles, et d’engager dans le même temps une réflexion d’ordre plutôt épistémologique sur ce qui est à l’œuvre dans ces manières de faire. Cette façon d’impliquer les chercheurs dans l’élaboration d’une création d’ordre artistique ressort d’une nouvelle pratique de la médiation entre les disciplines et les champs professionnels ; on peut y lire une nouvelle alliance d’institutions culturelles avec la recherche, fondée sur l’interdisciplinarité et la collaboration.
Une nouvelle alliance d'institutions culturelles avec la recherche
Cette alliance s’inscrit dans un mouvement plus général de
renouvellement des pratiques de recherche artistique comme scientifique, et de
rapport à l’œuvre, à l’expertise et au public. C’est à la fois une conséquence
de la montée en compétence de l’ensemble de la population – artistes et
scientifiques compris – traduite par le développement exponentiel des productions
et démarches amateurs, notamment dans les domaines culturels et de la
connaissance,
qui bouscule le positionnement et le fonctionnement des institutions. C’est
aussi une tentative d’organiser autrement la création et la recherche pour
favoriser l’innovation, convaincus que les meilleures solutions s’imaginent à
plusieurs, dans un esprit proche de celui du bricolage, en prenant en compte
les attentes, représentations, compétences et propositions de chacun.
Vue du Fab Lab de la Casemate, à Grenoble. Lieu d'échange et de création entre amateurs, artistes et scientifiques. |
1 commentaire:
Bonjour,
Une remise en question évidente.
Belle initiative.
Cordialement
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