J'ai prononcé ce texte lors de l'audition publique sur les perspectives de la CSTI organisée par l'OPECST le 13 juin dernier ; j'étais invité à témoigner dans la table-ronde à propos des relations entre économie et CSTI.
Pour aller directement
à l’essentiel, oui, nous sommes convaincus que nous jouons un rôle nouveau dans
la stratégie économique nationale, même si ce rôle n’est pas encore pas bien
reconnu pour l’instant. Et ce rôle, nous le jouons non pas en nous transformant
en publicitaires de l’industrie française sous couvert de culture scientifique
- non, nous agissons comme acteurs du développement par une approche inclusive des
connaissances et des innovations. Nous agissons comme acteurs du développement
grâce à notre ancrage dans les territoires. Nous agissons enfin comme acteurs
du développement en nous transformant en plateformes créatives, en incubateurs
à projets culturels, sociétaux, éducatifs et pourquoi pas d’entreprises. Ce
sont les 3 principaux points que je vais développer maintenant.
1er
point. Nous agissons comme acteurs du développement par une
approche inclusive des connaissances et des innovations.
Dans notre démarche de
recherche et développement sur les nouvelles formes de la médiation
scientifique et culturelle, nous focalisons réellement sur le public, sur les
jeunes et en particulier les adolescents et les jeunes adultes. D’où de nombreux
projets articulant culture numérique et culture scientifique ; car le
numérique est éminemment structurant du rapport à la culture et à la
connaissance aujourd’hui.
Juste un mot aussi,
sur la médiation, pour préciser que de notre point de vue, la médiation n’a pas
pour objectif d’être une sorte d’intermédiaire entre des mondes vus comme
séparés. Nous voyons la médiation comme création d’un espace public social
permettant la rencontre, le dialogue, la confrontation, l’action entre divers
acteurs - dont les acteurs économiques.
Concrètement, c’est
l’idée qu’il n’y a pas d’un côté des scientifiques qui savent tout, de l’autre
des industriels motivés seulement par l’argent, et encore d’un autre côté des
populations ignorantes. Nous soutenons l’idée qu’il faut absolument sortir des
visions caricaturales et offrir des opportunités aux uns comme aux autres
d’échanger, de dialoguer, et de co-construire. Sur le terrain, cela se traduit
par l’évolution de nos expositions en laboratoires vivants (les fameux Living
Labs) où les visiteurs-participants contribuent à tester, débattre,
co-concevoir des dispositifs ou des scénarios avec des chercheurs, mais aussi des
designers, des créatifs. Allez voir l’expo RiskLab à la Science Gallery deDublin par exemple, ou plus près de chez nous, l’expo CervoRama à Cap Sciencesà Bordeaux pour avoir une idée plus concrète de ces nouvelles approches.
Et il se trouve qu’en
parallèle, d’autres structures du champ du développement économique ont
développé ce type de pratiques, souvent qualifiées d’innovation ouverte. Ainsi,
nous sommes en train de nous rapprocher actuellement des pôles de
compétitivité, des incubateurs, et des organismes de transfert et de
valorisation des universités ou des organismes de recherche pour articuler nos
actions et enrichir, par une pratique démocratisée, une véritable culture de
l’innovation pour tous, moteur de prises d’initiative et de développement de projets.
2ème
point. Nous agissons comme acteurs du développement grâce à
notre ancrage historique dans les territoires. Là aussi, nous envisageons
les choses différemment. C’est-à-dire qu’il ne s’agit plus de nouer des
alliances ici ou là pour monter une expo ou organiser des conférences
publiques, ni même de constituer des réseaux thématiques, mais bien de changer
de paradigme et de considérer le territoire comme un écosystème culturel,
économique et social. Avec les écoles, les universités, les centres de recherche,
les entreprises, les associations, les collectivités locales, etc. les centres
de science contribuent à la bonne santé et au développement de leur écosystème.
De centres de coût,
nous nous positionnons alors comme des centres de profit – au sens de l’intérêt
général et non au sens financier du terme – car nous générons une dynamique
positive de fertilisation croisée entre différents acteurs locaux qui ne se
croisaient que très peu jusqu’ici. Concrètement, en favorisant la
transversalité entre les disciplines, entre les pratiques, comme par exemple
entre le milieu de la culture scientifique et celui de l’économie créative ou
de la culture numérique, en croisant des élèves des écoles de la deuxième
chance avec des jeunes designers et ingénieurs – et notamment des jeunes femmes
– comme nous avons fait récemment à Grenoble, en mobilisant les structures
d’insertion sur des projets d’innovation ouverte avec la participation
d’entreprises locales, nous contribuons activement à redonner l’estime de soi à
des jeunes en situation d’échec scolaire, à leur ouvrir l’esprit sur des
domaines et des processus professionnels qu’ils ne soupçonnaient même pas. Nous
développons une ambiance, un environnement, un état d’esprit, des outils et des
méthodes propices à la curiosité, à la créativité, à l’imagination, à
l’engagement et, j’ose le dire, à l’envie d’entreprendre.
3ème
point. Nous agissons comme acteurs du développement en nous
transformant en plateformes créatives, en incubateurs à projets. Depuis une
dizaine d’années, nous élaborons un nouveau concept de centre de culture
scientifique technique et industrielle, qui arrive aujourd’hui à maturité grâce
au coup d’accélérateur du programme des Investissements d’avenir. Je fais
référence bien évidemment au projet INMEDIATS que j’anime avec mes 5 confrères
- et amis - de Bordeaux, Toulouse, Caen, Rennes et Paris, mais aussi au projet
APIS porté par l’Exploradome à Vitry-sur-Seine, au projet Territoires de la
CSTI qui fédère 5 autres CCSTI à travers la France, et aussi au projet La Métis
que la Rotonde / Ecole des Mines de St Etienne est train de finaliser.
Ce concept de centres
de science de nouvelle génération peut se définir comme le passage de centres
de diffusion de contenus scientifiques, à des plateformes d’innovation sociale,
culturelle, et de développement – personnel et territorial. Pour cela, nous avons
changé radicalement nos approches des “publics” et des experts. Nous les
considérons tous, les uns et les autres, membres d’une même communauté
d’intérêt. Nous nous intéressons à leurs pratiques, leurs attentes, leurs
représentations, et nous construisons avec eux des programmes d’action et de
développement. Je vous l’ai dit, notre approche de la culture scientifique technique
et industrielle est inclusive, souvent construite en démarche de projet.
La création deFablabs, ces espaces de fabrication numérique avec imprimantes 3D, dans nos
centres est l’un des meilleurs exemples de notre évolution vers de nouvelles
pratiques qui articulent le partage des savoirs entre pairs, la valorisation du
geste technique, du travail manuel, et les communautés en lignes et l’économie
de la contribution. Car tout cela fait système.
En conclusion, donc oui les centres de science de nouvelle génération ont un rôle dans le développement social et économique de nos territoires, et donc dans le redressement productif et créatif de notre pays. Et c’est un rôle qu’il faut soutenir et encourager. Oui, nous agissons tous les jours auprès des jeunes, des habitants, des établissements d’enseignement et de recherche, des entreprises, des associations et des structures d’insertion et de développement pour aider chacun à mieux vivre sa vie, pas juste grâce à la science, mais en trouvant sa place dans une société de la connaissance.
- Revoir la vidéo des débats de l'après-midi sur le site de l'OPECST
- Lire un compte-rendu de cette journée sur le blog fiXience
- Merci à Johan pour la photo ;)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire