dimanche 19 janvier 2014

2014 : vers une nouvelle gouvernance de la culture scientifique en France ?

Episode 3 : quelles tendances pour la culture scientifique en 2014 ? (3/3)

Première présentation publique de FabLab organisée par
Relais d'sciences dans le cadre du programme Inmédiats
Quatre ans après les derniers grands mouvements dans le champ de la culture scientifique technique et industrielle (CSTI) avec la création d’Universcience par la fusion du Palais de la découverte et de la Cité des sciences, 2014 s’annonce comme une année de changement. Un nouveau schéma d'organisation de la CSTI en France devrait être présenté par Geneviève Fioraso, Ministre de la Recherche, lors du Forum national de la CSTI organisé à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, les 29 et 30 Janvier prochains.

Le rôle nouveau des conseils régionaux. Elément majeur de changement, le rôle confié aux régions par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche préparant un « acte 3 » de la décentralisation. Dorénavant, depuis le 1er janvier 2014, ce n’est plus Universcience qui va attribuer les crédits nationaux aux territoires, comme cela se faisait via les DRRT depuis quelques années, mais les conseils régionaux. En effet, ces crédits (qui représentaient 3,6 M€ pour l’ensemble des territoires en 2013) vont être versés directement aux régions, par la dotation générale que l’Etat transfère aux collectivités. Comment les régions vont-elles les affecter ? Selon quelles stratégies ? La situation peut être très différente d’une région à l’autre, d’où de nombreuses inquiétudes parmi les acteurs – sans compter la question du calendrier qui dérape, car à l’heure où j’écris ces lignes, ni les services de l’état en région, ni les services des régions ne savent encore comment, concrètement, ils vont pouvoir distribuer ces crédits, alors que l’année est déjà entamée !

Le repositionnement d’Universcience. Cette réforme s’accompagne aussi d’un repositionnement du pôle national de référence qui sort donc du circuit d’attribution des crédits nationaux aux territoires pour se concentrer, avec une certaine efficacité, sur le (co)développement d’outils et de méthodes avec les autres acteurs de la CSTI en France. En témoignent les projets en cours de réalisation cofinancés par le Programme des Investissements d’Avenir (PIA), comme le programme ESTIM Numérique, qui vise à mutualiser le référencement et la diffusion de l'ensemble des productions réalisées par les acteurs (audio, vidéo, expo, malettes, etc.). De même, se dessine une réduction des mandats pour la présidence d’Universcience, qui ne pourrait plus assurer en même temps la présidence du Conseil national de la culture scientifique, technique etindustrielle, coupant ainsi court à tout procès en conflit d’intérêt.

L’implication de nouveaux acteurs. D’autres organismes pourraient être appelés à jouer un rôle grandissant dans l’organisation de la CSTI en France, si les propositions formulées par l’OPECST dans l’un de ses tout derniers rapports (« Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles : un impératif » à télécharger ici au format PDF) sont retenues par le gouvernement.
·         L’IHEST, par exemple, (Institut des Hautes Etudes pour la Science et la Technique) pourrait être chargé de la création d’un « centre de communication scientifique » pour faire l’interface entre les journalistes et le monde scientifique, sur le modèle du Science MediaCentre de Londres.
·         L’OCIM (Office de coopération et d’information muséales) est de son côté appelé à siéger au Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, et à intégrer – enfin ! – la CSTI dans ses compétences.
·         L’OPECST propose même d’organiser régulièrement des cafés des sciences dans les assemblées parlementaires, soulignant ainsi la nécessité d’un meilleur partage de la CSTI avec les élus.

Ajouté à cela, la désignation (antérieure à la publication du rapport de l’OPECST) de l’AMCSTI comme PCN (point de contact national) pour Horizon 2020, le nouveau programme de la commission européenne, et bien évidemment le rôle confié à l’ANRU pour la gestion et le suivi des 100 M€ de financement pour l’appel à projet « CSTI/égalité des chances », les propositions de l’OPECST constituent plutôt une bonne nouvelle pour les promoteurs de la pluralité dans la gouvernance !


Vidéo des débats organisés par l'OPECST à l'Assemblée Nationale le 13 juin 2013

Retour vers le futur. Ce rapport préconise un retour clair de la tutelle de la CSTI au Ministère de la recherche, c’est-à-dire un retour à la situation antérieure à la création d’Universcience, avec en plus la charge de coordonner la dimension transversale de la CSTI avec les autres ministères, plutôt que de créer une nouvelle structure interministérielle. Chaque année, l’Etat et les acteurs territoriaux se rassembleraient lors d’une conférence annuelle pour « débattre des questions touchant à la stratégie […] et échanger sur les bonnes pratiques » (p.217 du rapport) – une forme de pérennisation du Forum national initié par Universcience en 2011 ? Pour garantir la cohérence nationale et faciliter le travail des acteurs de terrain, les régions seraient appelées régulièrement à « énoncer leur stratégie » en lien avec le schéma stratégique proposé par le Ministère ; des financements spécifiques pourraient être attribués aux acteurs « têtes de réseaux » qui prennent la responsabilité de coordonner les acteurs sur leur territoire et de renforcer les mutualisations ; enfin l’OPECST propose la mise en œuvre d’une double labellisation permettant aux petites structures de continuer leurs actions sans être soumises aux mêmes contraintes que les organisations à dimension régionale.

Et les scientifiques dans tout ça ? Si les universités et centres de recherche sont appelés par l’OPECST à une mobilisation accrue pour contribuer au « développement du partage des cultures scientifique, technique et industrielle au sein du système éducatif » (partie 1), « réduire les inégalités d’accès au savoir scientifique et technologique » (partie 2), « promouvoir une culture apaisée du dialogue entre les acteurs de la science, la technique, l’industrie et le public » (partie 3), aucune recommandation ne leur est directement adressée pour « simplifier et améliorer la gouvernance » (partie 4 et dernière partie du rapport). A l’heure de l’autonomie des universités, au moment où elles doivent élaborer leur stratégie en tenant compte de leur implantation territoriale et de leur impact socio-économique, on peut s’étonner de l’absence de recommandation à leur égard en matière de gouvernance de la CSTI – recommandation qui aurait pu leur être profitable, étant donné la difficulté de nombre d’entre elles à penser leur politique de CSTI. De même, considérant les nombreuses réflexions et initiatives prises en matière de CSTI par les organismes de recherche (comme le récent Forum "Communiquer la science"), il aurait été intéressant de réfléchir avec eux et l’ensemble des autres parties prenantes au rôle qu’ils peuvent jouer dans cette nouvelle gouvernance…

Et vous ? Que pensez-vous de cette nouvelle gouvernance qui se mettrait en place en 2014 ? Discutons-en les 29 et 30 janvier prochains, au Forum national de la CSTI à Paris !

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