lundi 3 février 2014

Le numérique, un levier pour les cultures scientifique technique et industrielle

La semaine dernière, lors du Forum national de la CSTI à la Cité des sciences, les ministres de la recherche, Geneviève Fioraso, et de la Culture, Aurélie Filipetti, ont annoncé publiquement me confier une mission sur les possibilités du numérique pour permettre une appropriation la plus large de la culture scientifique, technique et industrielle, vers les jeunes publics et les populations peu touchées par les formes classiques de médiation de la CSTI. Pour préparer cette mission, j'ai commencé à regrouper un certain nombre d'axes thématiques, sous forme de note, que je propose ici à la discussion. Je n'ai pas encore reçu la lettre de mission officielle, je la partagerai avec vous aussitôt !

Quelle place pour le numérique dans la stratégie nationale de CSTI ? En quoi le numérique peut-il être un levier pour une meilleure appropriation des cultures scientifique, technique et industrielle, notamment pour les jeunes ? (15-25 ans)


1. Le Numérique favorise de nouvelles formes de partage des savoirs et de diffusion de la CSTI :
  • Par la démultiplication et l’accès direct à de multiples sources d’information 
  • Par la "curation" des contenus, c’est-à-dire la sélection et la redistribution de contenus existants 
  • Par la participation à l’écriture d’encyclopédies collaboratives (Wikipédia) ou de projets de science participative qui associent amateurs et professionnels 
  • Par le développement de « jeux sérieux » (serious games) ou « mondes virtuels » qui croisent approche ludique, storytelling, et appropriation des connaissances 
  • Par les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Vine, etc.) qui permettent de partager des contenus (y compris scientifiques) avec un groupe « d’amis » 
  • Par l’apparition des MOOC (massive online open courses) qui permettent à tout un chacun de suivre des cours de niveau universitaire hors cursus 
Principaux enjeux :
  • Pour le public : naviguer dans une offre pléthorique et exponentielle, qualifier l’information, contribuer librement, créer/s’insérer dans des réseaux 
  • Pour les professionnels : exercer une veille stratégique, partager les retours d’expérience, définir sa propre stratégie, évaluer et capitaliser 



2. Les dispositifs numériques renouvellent les formes et formats de la médiation.
  • La réalité augmentée ou réalité mixte permet de mieux faire comprendre des mécanismes complexes en associant réel et virtuel 
  • De même, la modélisation et la simulation numériques offrent des possibilités d’explication et de découverte renouvelées 
  • Le numérique permet aussi la personnalisation et l’individualisation de visites d’expositions ou de sites scientifiques ou industriels, offrant la liberté au visiteur d’approfondir selon ses attentes 
Principaux enjeux :
  • Pour le public : s’approprier de nouveaux usages et pratiques culturelles 
  • Pour les professionnels : redéfinir la place de la médiation humaine (toujours nécessaire), accéder à des technologies souvent chères et exigeantes dans leur mise en œuvre, évaluer l’impact de leur utilisation sur les publics 


3. La fabrication numérique renouvelle l’approche des cultures technique et industrielle.
  • Elle remet en valeur les compétences manuelles et savoir-faire techniques, et offre un nouveau regard sur les formations et les métiers technologiques et industriels 
  • Elle propose de nouveaux procédés de conception et de fabrication (impression 3D) et de nouveaux emplois et opportunités de création de valeur 
  • Elle favorise la diffusion d’une culture de l’innovation par la démocratisation de méthodes ouvertes de conception (par l’usage) et de fabrication locale (circuits courts) 
  • Elle redonne du sens et du pouvoir d’action sur la production / consommation d’objets (réparation, réemploi, personnalisation, optimisation, détournement) 
Principaux enjeux :
  • Pour le public : avoir accès localement à ces nouveaux outils (par le développement d’un réseau de Fablab par exemple), échanger des compétences dans la conduite de projets, valoriser et capitaliser sur les réalisations 
  • Pour les professionnels : s’approprier cette nouvelle dimension de la culture technique et industrielle, exercer une veille stratégique, partager les bonnes pratiques, 



4. Le numérique accompagne l’évolution des pratiques professionnelles et stimule de nouvelles relations entre les acteurs
  • Le numérique facilite les échanges entre acteurs malgré les distances géographiques, les différences de statut ou de taille d’organisation 
  • Il offre des outils pour le travail collaboratif, la coproduction, la mutualisation, la formation continue, le débat en ligne et la prise de décision collective 
  • Il peut contribuer efficacement à la valorisation, la communication et la diffusion des ressources produites par les acteurs 
Principaux enjeux : participer à la construction d’outils collectifs, maîtriser la démultiplication des contenus pour une optimisation des moyens et de leur efficacité (ne pas refaire X fois la même ressource pédagogique sur le cycle de l’eau, par exemple).

* * *

Pour conclure... Comme montré rapidement, le numérique peut contribuer efficacement à la stratégie nationale de CSTI, sous réserve d’en exprimer les enjeux et de faire un état des lieux de l’existant et des acteurs en présence. Pour résumer, on peut avancer que le numérique stimule et change le partage des savoirs, offre des outils pour innover et expérimenter de nouvelles façon de produire et d’entreprendre, et facilite l’émergence de nouveaux modes d’organisation entre acteurs. Il convient néanmoins de conserver à l’esprit que les multiples usages des technologies numériques ne sont pas partagés de la même manière par l’ensemble de la population, qu’il existe un certain nombre de barrières et de freins (financier, social, culturel, géographique) et que « le numérique » à lui seul n’est pas suffisant pour répondre au défi d’une meilleure appropriation des cultures scientifique technique et industrielle par l’ensemble de nos concitoyens.

Les objectifs opérationnels d’une mission « CSTI et numérique » pourraient être :
  • état des lieux des projets, actions, acteurs 
  • bilan-diagnostic : comment ces actions font-elles (ou non) masse dans le web francophone ? quels regroupements, alliances ? quels manques ? comment optimiser l’existant ? 
  • identifier des pistes de développement stratégiques 
NB : j'ai volontairement laissé de côté dans cette note les questions soulevées par la médiation des sciences du numérique, laquelle, bien évidemment, peut passer aussi par les technologies et pratiques numériques décrites ci-avant !

Merci pour vos commentaires, critiques, suggestions ! Mon idée est d'animer une réflexion collective plutôt qu'une vision personnelle. A suivre !

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