Robbix, le robot créé par Michel Ploix, Jean-Paul Masip et Laurent Mahy pour Zig-Zag Production, accueille les visiteurs sur le thème des 3 lois de la robotique. Source : reportage photo vidéo par HariboCash sur Flickr
« On peut définir la Science-Fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l'être humain aux progrès de la science et de la technologie. » C'est par cette épigraphe d'Isaac Asimov que les visiteurs sont accueillis, dans la nouvelle exposition d'Universcience à la Cité des sciences intitulée "Science et fiction, aventures croisées", à découvrir jusqu'au 3 juillet 2011. Une définition proche de celle qu'on pourrait proposer pour certaines formes de culture scientifique, car il s'agit bien d'une véritable plongée dans une mise en culture des sciences, pour reprendre l'inoxydable mot d'ordre de JM Levy-Leblond, à laquelle les (nombreux) commissaires de l'expo nous invitent.
Voyages dans l'espace, space opera, conquêtes de mondes extraterrestres, rencontres du 3ème type, plongées dans le cyberespace, villes du futur, robots, androïdes et autres cyborgs... tous les thèmes chers à la SF depuis 150 ans sont abordés. 150 ans ? Oui, et c'est l'un des premiers mérites de cette expo, réalisée en collaboration avec la BNF, que d'inscrire la SF dans l'histoire culturelle et scientifique pour en dérouler sa dynamique et démontrer sa fonction critique de la science (et de la société) en train de se faire. Ainsi les bibliophiles peuvent découvrir de nombreuses éditions originales d'ouvrages (dont l'Utopie de Thomas More, présenté comme l'un des textes précurseurs de la SF) et d'illustrations - ne manquez pas les superbes planches d'Albert Robida, illustrateur entre autres de Jules Verne, et à qui la bibliothèque de la Cité des sciences consacre une expo personnelle en parallèle. Bien sûr, le 20ème siècle domine dans cette histoire, avec ses kitchissimes pulps des années 50 (exemple ci-contre), ou encore par l'imagerie cataclysmique de la fin du siècle et des 10 premières années du suivant - Blade Runner et autres Terminator, priez pour nous ! A ce propos, les fans se régaleront des nombreuses maquettes, masques, costumes et extraits de films proposés tout au long de la visite.
Et les sciences dans tout ça ? Ce n'est pas la première incursion de la Cité dans le monde de la Science-Fiction. On se souvient de "Seuls dans l'univers" (2007) ou encore de "Star Wars L'expo" (2005). Pour cette dernière, à laquelle ressemble assez Science et Fiction par la place réservée au cinéma, la dimension scientifique était clairement rapportée, juxtaposée aux reliques de l'Empire. D'où un sentiment mitigé, pour une expo ressemblant plus à un "coup" médiatique qu'à une approche mêlant réellement plusieurs dimensions. Dans Science et Fiction, le mariage visant à entraîner le visiteur dans des aventures croisées est plutôt réussi. Autour de quelques grands thèmes communs (le temps, le voyage dans l'espace, la psychologie, l'exobiologie, les réseaux numériques, l'urbanisme, l'homme réparé/augmenté), les commissaires se sont employés à tisser des liens entre d'un côté, l'état de la technologie et des connaissances et, de l'autre, les visions imaginaires. Rien de systématique dans ce maillage, comme semble le regretter Bruno Dermoum dans une critique très détaillée publiée sur Knowtex, car la SF n'a plus pour vocation d'illustrer au pied de la lettre tel ou tel concept scientifique - elle est à la fois plus humble et plus ambitieuse.
Muséologie immersive. C'est plutôt dans la muséographie que les croisements jouent à plein, en particulier grâce au superbe travail de réalisation vidéo de Pascal Goblot. Dans une expo pleine d'images cinéma, c'est essentiellement par des vidéos, salles immersives et installations multimédia que s'expriment et se donnent à comprendre les sciences. Certes, le discours ne va pas très loin dans la science - mais il n'est pas plus pointu dans l'analyse littéraire ou filmique. Est-ce réellement le lieu pour cela ? On peut considérer que la fonction principale d'une exposition consiste à (r)éveiller nos sens, notre imaginaire, notre curiosité, jouer avec notre plaisir, notre désir... ce qui implique de nous laisser quelque part sur notre faim, plutôt que de nous gaver de connaissances, d'images, et de signes. Une exposition doit nous mettre en appétit, puis nous orienter vers d'autres supports ou modalités de connaissance. Dans ce sens, le très beau catalogue coédité par Universcience et les éditions de la Martinière complète assez bien l'exposition, de même que le site web développé pour ce projet. Par ailleurs, on ne compte plus le nombre de livres de vulgarisation, films et sites web traitant du temps, de l'espace, des robots, des réseaux informatiques, de l'exobiologie, etc, etc. Dans un monde flirtant quotidiennement avec l'overdose informationnelle, il est bon de ressentir le manque. C'est le signe d'une aspiration, d'une mise en mouvement.
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En écho à Science et Fiction, allez faire un tour à la Fondation Cartier pour l'art contemporain pour l'expo Moebius Transforme. Pas de science du tout, presque trop d'images...
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