Que font les CCSTI dans ce débat ? - Rien. Nous voici donc face à une polémique sociétale, induite par la proposition d'utiliser une avancée scientifique et technique (le test ADN) à des fins politiques. Voilà un vrai sujet "Sciences et Société" ! Un vrai bon sujet pour les centres de culture scientifique technique et industrielle qui se positionnent sur l'actualité scientifique et sociale, et non sur le patrimoine comme leurs collègues des muséums. Et pourtant, aucun CCSTI en France n'a rebondi sur cette question. Un rapide tour du web des principaux centres (Cap Sciences, Espace des Sciences, Espace Mendès France, Fondation 93, Forum des Sciences, CCSTI La Casemate) montre que ce sujet n'en est pas un. Y compris pour la géante Cité des Sciences et de l'Industrie qui dispose pourtant d'un service journalistique interne "Sciences Actualité". L'annonce des Prix Nobel, oui, les véritables débats Sciences et Société, non.
Cette remarque vaut aussi pour le Grenelle de l'environnement, sujet dont on sait combien il impacte les recherches scientifiques actuelles, les technologies, et les rapports experts - citoyens. Cet autre grand sujet "Sciences et société" de cette fin d'année 2007 nous est passé complètement au-dessus de la tête... Je dis "nous" car, directeur du CCSTI La Casemate de Grenoble, je prends toute ma part de responsabilité dans cette (auto)critique. Mais la question reste entière : pourquoi nos institutions sont-elles incapables de réagir et de nourrir les véritables débats lorsqu'ils se présentent ? Sommes-nous trop occupés à règler nos problèmes de boutiques pour agir là où ça se passe ?
Démocratisons la démocratie. Une des réponses serait de moins focaliser sur les besoins et les points de vue des scientifiques et d'intégrer beaucoup plus les préoccupations sociétales à nos manières de faire (c'est d'ailleurs l'une des recommandations issue du récent rapport "Sciences et société" du Conseil économique et social Rhône-Alpes). Nous pourrions aussi nous rapprocher des agences, conseils ou comités nationaux qui enquêtent et évaluent au quotidien la protection des libertés individuelles (CNIL), la sécurité sanitaire, l'environnement et le travail (AFSSET) ou l'éthique et les sciences de la vie (CCNE). Hélas, ces institutions ne s'investissent guère dans l'information et la sensibilisation du public. Il me semble que nous avons un rôle à jouer dans cette "démocratisation de la démocratie". Sur les tests ADN, le Comité National Consultatif d'Ethique a d'ailleurs été saisi et son avis est consultable en ligne. C'est un avis clair, court (3 pages), compréhensible par tous, tranché :
Extraits : "L'erreur est de laisser penser qu'en retrouvant le gène, la filiation serait atteinte. La filiation passe par un récit, une parole, pas par la science. L'identité d'une personne et la nature de ses liens familiaux ne peuvent se réduire à leur dimension biologique."
"D'une manière générale le CCNE attire l'attention sur la dimension profondément symbolique dans la société de toute mesure qui demande à la vérité biologique d'être l'ultime arbitre dans des questions qui touchent à l'identité sociale et culturelle. Elle risquerait d'inscrire dans l'univers culturel et social la banalisation de l'identification génétique avec ses risques afférents de discrimination."
On ne saurait opérer une meilleure "mise en culture" de la science...
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Ps : cet article doit beaucoup au "coup de sang" de Joëlle Le Marec, chercheur à l'ENS LSH Lyon, coordinatrice du Cluster 14 "Enjeux et représentations de la science, de la technologie et de leurs usages".
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