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dimanche 15 avril 2012

Recherche et centres de culture scientifique

Cet article est un résumé d'un papier commandé par l'OCIM pour une publication à venir en juin 2012 sur le thème "Musées et recherche, les alliances dans le contexte des mutations". Je présente deux pistes dans lesquelles le CCSTI de Grenoble s’est engagé, avec d’autres, pour prendre une part plus active dans la co-construction des connaissances entre publics, experts et décideurs.

Atelier sur la Ville connectée à l'Ecole d'Architecture de Grenoble (2008)
La première de ces pistes trouve son origine dans le développement des études de publics pour conduire à des recherches sur les usages et les représentations des nouvelles technologies ; la seconde invite à prendre les chemins de traverse de la création contemporaine à travers des collaborations entre scientifiques, artistes, designers ou architectes, vers les horizons de l’innovation« ouverte » ou de la co-innovation. Enfin, j’essaierai de montrer en quoi ces nouvelles pratiques me semblent constituer des éléments de réponse aux attentes exprimées par nos concitoyens d’une meilleure compréhension des enjeux de la recherche et d’un contrôle partagé des recherches scientifiques.

De l'enquête auprès des visiteurs à la participation des publics

Dans les années 1990 et 2000, muséums et CCSTI ont mis en œuvre des pratiques de plus en plus réflexives, en s'emparant des différentes méthodes d’évaluation et des études de public. Ils se sont mis progressivement à produire des connaissances, en premier lieu sur les caractéristiques sociologiques de leur public, puis sur leurs motivations, et enfin sur ce que les visiteurs retiennent d’une exposition ou de toute proposition culturelle. Ces connaissances, locales, étaient d’abord destinées à améliorer, renforcer, l’offre culturelle par une meilleure compréhension des attentes et pratiques des publics. Puis, certaines institutions, concentrées sur l’élaboration de nouveaux modes de médiation bousculant le schéma classique descendant de la diffusion des savoirs, ont tenté des rapprochements entre enquête et participation des publics – les deux démarches s’inscrivant dans la même dynamique d’une meilleure prise en compte des attentes et compétences des visiteurs.

Les visiteurs sont envisagés comme un échantillon particulièrement représentatif de la fraction de la population intéressée par les sciences, les technologies, et leurs développements. La parole recherchée ne concerne alors plus uniquement l’expérience de visite et déborde du cadre de la pratique muséale ou culturelle. Il s’agit de recueillir et de mettre en circulation sur des pages internet dédiées ou parfois au sein même de l’exposition [voir photo ci-après] les témoignages, opinions, contributions diverses des visiteurs. Produits « à chaud », c’est-à-dire au moment de la visite, ou de façon préméditée (dans le cadre d’un concours photo ou vidéo par exemple), ces matériaux textuels ou iconiques peuvent devenir partie intégrante de l’exposition, et contribuer à son animation tout au long de sa présentation. Le visiteur s’implique ainsi dans le processus de médiation et, par son geste, atteste de la dimension pluraliste et participative de l’exposition.

Contributions du public dans l'expo Nano
Au-delà de ce qu’on pourrait décrire comme un simple renouveau des expériences de muséologie participative initiées dans les années 1970, ces pratiques contributives sont aussi abordées par les institutions culturelles comme des terrains pour les études de science-technologie-société (STS). Que pensent les Français des recherches et développement en nanotechnologies ? Comment abordent-ils les enjeux du changement climatique ? Ou ceux des libertés individuelles mises à l’épreuve de la société de l’information ? Les diverses contributions des publics constituent dès lors des corpus pouvant être étudiés et analysés comme n’importe quel autre. Leur étude vient donc enrichir l’état des connaissances sur les attitudes, représentations et pratiques du public vis-à-vis des sciences et techniques.

Quelques contributions du public dans l'expo Nano à la Casemate
Les musées et centres de culture scientifique technique et industrielle engagés dans cette voie envisagent leur fonction sociale non plus de manière centripète, fixés sur la divulgation de connaissances dont ils seraient les dépositaires, les gardiens ou les traducteurs, mais bien d’une manière plus inter- et proactive avec leur environnement universitaire, scientifique, socio-économique et culturel. Ils se posent en acteurs à part entière de ce que certaines nomment des « écosystèmes d’innovation », à l’œuvre sur leur territoire, au cœur d’un maillage de partenariats multiples notamment avec des chercheurs en Sciences Humaines et Sociales (SHS).

Artistes, scientifiques et médiateurs

Autre piste d’action engageant les structures culturelles dans la production de connaissances, le développement de projets croisés entre artistes et scientifiques. Certains dénonceront un effet de mode, voire d’opportunisme de la part d’artistes (ou d’institutions culturelles) cherchant de nouvelles sources d’inspiration ou de financement. D’autres discuteront à l’infini des risques d’instrumentalisation de l’art par la science – ou de la science par l’art – et des similitudes ou différences de nature des deux activités. Je m’intéresserai pour ma part à ce qui change pour l’artiste ou le chercheur grâce à ce type de collaboration.

Chercheur au CEA, Dominique David a contribué à la création de plusieurs spectacles ou installations artistiques. De ses expériences, il dessine plusieurs catégories d’apport pour son travail scientifique. De l’artiste « visionnaire », à l’artiste « aiguillon », en passant par l’artiste « utilisateur final » idéal, il témoigne de la richesse et de la variété des formes et effets sur sa pratique personnelle de la recherche. Car la confrontation avec un artiste oblige d’envisager ses propres connaissances et ses pratiques scientifiques sous un autre angle. Ce décalage produit réflexivité et resourcement ; il peut aussi conduire à de nouvelles idées, de nouvelles approches et – sans pourtant la rechercher obstinément – déboucher sur une innovation.

Sur le processus de création de l'exposition Les mécaniques poétiques d'EZ3kiel à la Casemate, 2009.

C’est pour favoriser ce type de démarche que l’Hexagone, scène nationale de Meylan, et le CEA Grenoble se sont alliés pour créer l’Atelier Arts-Sciences, comme un « laboratoire commun de recherche » fonctionnant sur l’organisation de résidences d’artistes dans des laboratoires scientifiques. Partant des inspirations ou attentes des artistes, le travail de ce laboratoire culturel consiste à identifier et mobiliser des chercheurs du CEA (comme Dominique David cité plus haut), capables de co-développer des dispositifs pour le spectacle vivant ou l’exposition. Il s’agit pour eux d’imaginer d’autres utilisations à certaines briques technologiques (capteurs, actuateurs, LEDs, nouvelles sources énergétiques, etc.), de les détourner de leurs finalités industrielles, et d’engager dans le même temps une réflexion d’ordre plutôt épistémologique sur ce qui est à l’œuvre dans ces manières de faire. Cette façon d’impliquer les chercheurs dans l’élaboration d’une création d’ordre artistique ressort d’une nouvelle pratique de la médiation entre les disciplines et les champs professionnels ; on peut y lire une nouvelle alliance d’institutions culturelles avec la recherche, fondée sur l’interdisciplinarité et la collaboration.

Une nouvelle alliance d'institutions culturelles avec la recherche

Cette alliance s’inscrit dans un mouvement plus général de renouvellement des pratiques de recherche artistique comme scientifique, et de rapport à l’œuvre, à l’expertise et au public. C’est à la fois une conséquence de la montée en compétence de l’ensemble de la population – artistes et scientifiques compris – traduite par le développement exponentiel des productions et démarches amateurs, notamment dans les domaines culturels et de la connaissance, qui bouscule le positionnement et le fonctionnement des institutions. C’est aussi une tentative d’organiser autrement la création et la recherche pour favoriser l’innovation, convaincus que les meilleures solutions s’imaginent à plusieurs, dans un esprit proche de celui du bricolage, en prenant en compte les attentes, représentations, compétences et propositions de chacun.

Vue du Fab Lab de la Casemate, à Grenoble. Lieu d'échange et de création entre amateurs, artistes et scientifiques.
Ainsi, poser la question de la recherche dans les structures culturelles et muséales conduit à observer, documenter et analyser le rôle que ces dernières peuvent prendre dans la recherche contemporaine. Retourner la proposition permet de se focaliser sur une recherche hors les murs, partenariale, associant les amateurs – en « plein air » pour reprendre l’expression stimulante de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe dans leur ouvrage Agir dans un monde incertain, essai sur la démocratie technique – dans laquelle publics et artistes sont invités à s’engager (lorsqu’ils n’en sont pas à l’initiative). Dans des sociétés qualifiées de « société de la connaissance », comment mieux mettre la science en culture, partager et questionner les savoirs, socialiser les innovations, que d’imaginer de nouvelles modalités de co-construction de ces savoirs accessibles à des acteurs multiples et divers ? Rompre avec le modèle historique diffusionniste de la culture scientifique tout en renouant avec les recherches en train de se faire, tel est le programme que, pas à pas, certaines institutions culturelles tentent d’élaborer et de mettre en pratique. A suivre…

mercredi 13 avril 2011

Relier autrement les arts et les sciences

Leonardo - Vol.44 #1 - 2011
A l'occasion de la préparation du premier colloque Art/Science organisé dans le cadre de la Biennale les Rencontres i 2011 [web] en octobre 2011, j'ai voulu en savoir plus sur l'état de la question de l'autre côté de l'Atlantique, aux USA. Je livre ci-dessous la traduction de l'éditorial de Roger F. Malina, Directeur de la rédaction de la célèbre revue Leonardo, publié début 2011 (vol.44, n°1). Dans ce texte, l'auteur explique la nécessité de relier autrement les arts et les sciences...

Récemment, une conférence co-organisée par la National Science Foundation (NSF) et le National Endowment for the Arts (NEA) invitait les participants à rechercher de nouvelles façons de penser les relations entres arts et sciences aujourd’hui, et comment ces deux agences gouvernementales pouvaient promouvoir ensemble les secteurs émergents des développements culturel et scientifique. Parmi les participants, on comptait des artistes, des scientifiques et des ingénieurs, de même que des doyens d’Université et des responsables de lieux art-science alternatifs. Cette première conférence était centrée sur l’informatique et les technologies numériques ; la suivante s’intéressera aux arts et aux sciences de la vie. L’an prochain, la NSF sera partenaire de la conférence art-science intitulée : "l’art, mode de connaissance" [Art as a way of knowing], organisée à l’Exploratorium de San Fransisco, qui associe depuis plus de 40 ans des artistes avec des scientifiques et des ingénieurs. 

Experiments in Art and Technology - 1967.
Pourquoi ce regain d’intérêt aux connections entre les arts les sciences ? Ce sujet a été déjà largement débattu depuis plusieurs siècles, au moins depuis la Révolution scientifique. Au 19ème siècle, des personnalités très connues, comme Goethe, étaient actives à la fois dans les arts et dans les sciences. Samuel Morse, l’inventeur du célèbre code, était peintre. Dans les années 1920-1930, le mouvement du Bauhaus s’appuya sur une relation forte entre artistes, scientifiques et industriels. Dans les années 1950, le débat sur "Les deux cultures" lancé par C.P. Snow ranima les volontés de relier les arts et les sciences [discussion]. Dans les années 1960, des artistes comme Rauschenberg et des ingénieurs comme Billy Klüver fondèrent le collectif "Experiments in Art and Technology". Alors, quoi de neuf aujourd’hui ? 

D'abord, cette génération d'artistes nés avec le numérique se sent chez elle dans les domaines de l’informatique. Le programme NSF Creative IT reconnaît ce nouveau domaine de recherche. Le programme NEA Audience 2.0 met en avant les nouvelles formes de création artistique et de diffusion des œuvres par les médias électroniques - et le public croissant. Utiliser des ordinateurs est devenu une seconde nature pour ces artistes, de même qu’orienter la recherche en informatique dans de nouvelles directions pour répondre à leurs besoins. Tout ceci a conduit à l’émergence de nouvelles industries dites "créatives" et de loisir. 

Cinématique, Adrien Mondot / Compagnie Adrien M. 2010.

A la fin de cette conférence NSF-NEA, le mot "créativité" était presque devenu déplaisant – trop utilisé et souvent dans une acception approximative. La créativité de qui ? La créativité pour quoi faire ? Ce qui est apparu clairement, c’est qu’il existe une communauté nouvelle, évoluant rapidement, constituée d’artistes, de scientifiques et d’ingénieurs travaillant ensemble ; une "communauté de pratiques" en réseau émergeant à travers diverses "communautés d’intérêt". La plupart de ces individus ou collectifs créatifs travaille dans des cadres informels : groupes de hackers, militants du "do-it-yourself", centres d’art alternatifs, mouvements de popularisation des sciences(1). La question qui se pose alors est comment mettre en réseau et croiser ces collectifs avec les programmes plus institutionnels ?

Le leitmotiv "la créativité pour quoi faire?" traduit le souci de remettre l’innovation technologique dans un contexte social et culturel, comme le renouvellement urbain, le changement climatique et les énergies renouvelables, ou encore les questions de santé. "Notre Ville" [Our Town], un appel à projet lancé par la NEA visant à associer des artistes au redéveloppement urbain, fournit peut être un des exemples qui pourraient motiver de nouveaux programmes art-science. Car les nombreux enjeux auxquels nous sommes confrontés, individuellement ou collectivement, imposent de relier les arts et les sciences.

D’autres discussions ont porté sur la nécessité de renouveler la réflexion sur la créativité face aux gigantesques flux d’information et de connaissances distribués en réseau, et sur l’impact de la culture numérique dans sa manière d'intégrer les arts et les sciences dans la société. Le récent rapport de la Fondation Macarthur sur Le futur des institutions éducatives à l’âge numérique [pdf] et celui du Conseil National de la Recherche intitulé Au-delà de la productivité : informatique, innovation et créativité [web] fournissent de bons points de départ à cette réflexion. Les cloisonnements et les divisions à l'intérieur des universités, comme dans les institutions financières, semblent mal adaptés aux rapides évolutions multi/inter/transdisciplinaires des pratiques artistiques, et plus particulièrement aux évolutions rapides du domaine des collaborations art/science.

L’expression "Alt.Art-Sci" (2) a émergé de nombreuses fois pendant les discussions, comme une prise de conscience que le "business-as-usual", le fonctionnement routinier, nous ferait rater l'essentiel. Nous devons renouveler notre approche de l'innovation pour travailler dans cette culture en réseau qui émerge. Nous avons besoin de rechercher où la créativité la plus excitante est en cours, de cibler les enjeux auxquels nos communautés sont confrontées, et d’étudier  la manière d’exploiter les nouvelles connexions entre approches scientifique, technologique et culturelle pour contribuer à la création d’une société plus durable.

Traduction de l'américain. Texte original de Roger F. Malina.

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Notes :
(1) people’s science movement – référence aux mouvements militants d’éducation scientifique en Inde dans les années 60 qui prônaient la diffusion de la culture scientifique et technique pour aider les populations à sortir de la pauvreté et prendre en main leur développement.
(2) Alt. = alternative – référence au vocabulaire utilisé dès la mise en place des premiers forums de discussion sur internet. Préfixe signifiant des approches non officielles, non institutionnelles.

mardi 22 décembre 2009

Expo Mécaniques poétiques d'EZ3kiel : le bilan


Les 10 installation interactives qui constituaient l'exposition inédite "Les mécaniques poétiques d'EZ3kiel" viennent d'être démontées et remballées. Elles sont en route vers une nouvelle destination, inconnue encore à l'heure actuelle. Cette exposition a remporté un véritable succès populaire avec précisément 5 578 visiteurs pour une durée de seulement 11 semaines ! Grâce au dispositif de vote mis en place à la sortie de l'expo, nous savons que les visiteurs (qui se sont prêtés au jeu) ont élu les 2 installations "les cordes" (voir photo) et "le cycloharpe" ex-æquo à la première place des oeuvres présentées.

Une enquête auprès du public a également été menée, sous la direction scientifique de Marie-Christine Bordeaux, maître de conférence à l'Université Stendhal, et chercheur au GRESEC. Les résultats seront publiés au printemps 2010. Marie-Christine Bordeaux assurera aussi la rédaction-en-chef d'un numéro de la revue Culture & Musées, éditée par l'Université d'Avignon, sur la thématique "arts et sciences". Pour ce numéro, elle m'a demandé de préparer un article sur l'expérience des "mécaniques poétiques".

Enfin, toujours au printemps prochain, sortira le second numéro des Cahiers de l'Atelier Art Science, édité par l'Hexagone Scène Nationale de Meylan. Vous pourrez retrouver en détails et en analyse le récit polyphonique de la résidence du groupe EZ3kiel au CEA LETI - dont un papier sur les dispositifs de médiation que nous avons mis en œuvre pour le public dans la conception de cette exposition. Pour patienter, vous pouvez télécharger ce texte dans sa version longue (10 000 signes).
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www.ez3kiel.com
Des photos de l'exposition sur la page Flickr de la Casemate.

mardi 1 septembre 2009

Les mécaniques poétiques d'EZ3kiel

Nous sommes heureux (et, à vrai dire, un peu angoissés en ce début septembre) d'annoncer la présentation de l'exposition "Les mécaniques poétiques d'EZ3kiel" à partir du 3 octobre à la Casemate à Grenoble. Heureux, parce que les propositions multimédia interactives de Yann Nguema, bassiste et plasticien du groupe sont toujours sources d'émerveillement, d'émotion, et d'une espèce de nostalgie surréaliste, entre David Lynch et Magritte. Angoissés, parce que les 11 installations interactives sont toujours en cours de création, quelque part entre les laboratoires du CEA à Grenoble, du centre d'expérimentation multimédia Erasme près de Lyon, et de l'atelier de Yann à Tours... Tout l'été, nous avons préparé la Casemate, avec la complicité des ateliers du théâtre municipal de Grenoble. Tout le premier étage est plongé dans l'obscurité, prêt à accueillir madone chantante, cage musicale, orgue à flacons et autres surprises des artistes et scientifiques. Car ce projet, inscrit dans l'acte 2 des Rencontres i 2009, est issu d'une collaboration étroite entre des chercheurs et ingénieurs du CEA LETI, d'Erasme et du groupe musical EZ3kiel. Cette collaboration a été rendue possible grâce à l'atelier Arts-Sciences, une association de l'Hexagone Scène nationale de Meylan avec le CEA.

Rendez-vous sur le web. Pour suivre de plus près l'avancement de cette résidence, et la préparation de l'exposition, rendez-vous sur le blog : ez3kiel.atelier-arts-sciences.eu/

Rendez-vous à la Casemate, dès le 2 octobre au soir pour la soirée inaugurale ! Infos à suivre sur www.ccsti-grenoble.org
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Plus d'images et de sons sur EZ3kiel : www.myspace.com/ez3kielmyspace

jeudi 16 juillet 2009

Science Casemate Danse

SCALENE: impromptu chorégraphique
Photo : Ilan Ginzburg

A l'occasion de la soirée anniversaire pour les 30 ans de la création du CCSTI Grenoble, le 3 juillet dernier, la compagnie Scalène, en résidence à la Casemate, a dansé une performance réellement stimulante, baptisée "impromptu chorégraphique" (photo, plus sur le web). Situés de l'autre côté de la rue, face à la terrasse de la Casemate où se pressaient les spectacteurs, les danseurs ont évolué pendant 30 minutes dans un jardin public transformé en plateau de danse. En pleine nuit d'été, l'effet a été saisissant, joliment retranscrit sur les photos d'Ilan Ginzburg. Ce spectacle s'inscrit dans le projet "Collection permanente", l'une des créations originales des Rencontres i 2009. Il constitue la seconde proposition dansée (après la performance du 16 mai) à partir des matériaux récoltés par les artistes dans le quartier Saint-Laurent, sous l'oeil vif et malicieux du socio-anthropologue Jean-Olivier Majastre.

Car c'est dans cette relation entre danseurs vidéastes et sociologue que se joue la dimension "arts/sciences" de ce projet. Loin des performances technologiques - qui peuvent avoir leur charme elles aussi - la Compagnie Scalène a choisi de s'intéresser à l'humain, à ce qui se joue dans le don ou le prêt d'objets, en "calquant leur comportement sur celui des abeilles". Dans un environnement en crise, dans tous les sens du terme, où de nombreuses espèces sont menacées et luttent pour leur survie (abeilles, artistes, sociologues, etc.), l'imaginaire et la créativité permettent de s'organiser, de réagir, de s'adapter. Et d'aller pas forcément là où on est attendu. Comme les interventions de J-O Majastre sur l'escargot, ses citations de Maeterlinck (célèbre écrivain Belge, prix Nobel de littérature et auteur, entre autres de "La vie des abeilles") ou les séquences de "lecture - danse" (photo) de Manuel Chabanis dans chacune des performances de cette collection permanente et décalée.

Une oeuvre ouverte en création, à laquelle chacun peut contribuer par le don ou le prêt d'un objet, d'un vieux film super 8, ou d'une anecdote... A suivre le 20 septembre prochain, à l'occasion des Journées du patrimoine, de 15h à 18h à la Casemate, à Grenoble.
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Pour suivre le projet de résidence de la Compagnie Scalène : http://scalene.ning.com/
Site web de la compagnie Scalène : http://www.cie-scalene.com/
Site web du photographe Ilan Ginzburg : http://murblanc.org/
Site web des Rencontres i 2009 : http://www.rencontres-i.eu/

vendredi 8 février 2008

Scalène Danse Nano

Tableau 4 : la vie au fond
Youtci Erdos, compagnie Scalène - photo CCSTI Grenoble.

Si vous les avez ratés
, fin 2006, lors de la présentation de l'Expo Nano au CCSTI La Casemate à Grenoble, voici venir 2 nouvelles occasions de voir le spectacle chorégraphique "Nouvelles du fond", conçu en forme de visite dansée d'exposition par la compagnie Scalène - y.erdos /m. chabanis :

- le 4 mars 2008, à 18h30, à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, dans le cadre d'une rencontre "Confluences des savoirs", organisée en collaboration avec le Musée des Confluences [voir infos sur le web du Musée], sur la thématique "nanotechnologie et éthique" avec le Professeur Frédéric Gaffiot, chercheur à l'Institut des Nanotechnologies de Lyon. Youtci Erdos proposera un solo extrait du spectacle Nouvelles du fond.

- le 28 mars 2008, à Tremblay en France, en Seine Saint Denis, au Nord-Est de Paris, à l'occasion du vernissage de l'EXPO NANO, qui sera présentée du 25 mars au 25 avril à l'Hôtel de Ville. Le spectacle sera donné dans son intégralité, et comme il se doit, au cœur de l'exposition.

Tableau 1 : Mister Feynmann Tableau 3 : l'invisible

Miniatures en Nanoscope
. On peut retrouver l'origine de ce spectacle dans une des précédentes créations de la compagnie Scalène : "Les désaxés". Créée à l'occasion des Rencontres i 2005, cette pièce s'intéressait déjà au monde de l'infiniment petit, aux équilibres à l'échelle atomique... De notre côté, nous étions en pleine conception de l'exposition sur les nanotechnologies. L'idée a germé alors de donner "carte blanche" à Youtci Erdos et Manuel Chabanis pour imaginer un parcours dansé de l'expo à venir, une interprétation sensible de la scénographie et de son objet, afin d'offrir une forme nouvelle de médiation avec le public...

Art/Science - Danse/Technologie. L'intérêt de ce genre d'expérience est double : amener un public amateur de danse contemporaine vers des sujets qu'il n'aurait pas choisis spontanément d'une part et, d'autre part, incarner les tensions, les discours, les formes à l'œuvre dans le sujet. Incarner et non illustrer, donner chair et non représenter, jouer le registre de la poésie et non celui de la pédagogie. Que ce soit par les choix musicaux (l'excellente idée de la chanson Good Friday de Coco Rosie), l'humour décapant des vidéos de la séquence 2, le solo dédié à Richard Feynman ou le final percutant, Scalène a fait preuve d'une audace et d'une impertinence salutaires, à un moment où le sujet "nano" tournait, à Grenoble, très vite au psychodrame.

A revoir donc, à Lyon ou à Tremblay !

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- A voir : l'Album photos du spectacle joué à la Casemate, le 28 septembre 2006.

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Le site web de la Compagnie Scalène : http://www.cie-scalene.com/

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Pour en savoir plus sur les conditions de cette création, consultez ci-dessous la présentation faite le 15 novembre 2006, au Palais de la Découverte à Paris à l'occasion des journées d'études de l'OCIM sur la diversification des activités culturelles dans les lieux de culture scientifique :

samedi 17 novembre 2007

Rencontres i 2009 : arts, sciences, et... apiculture ?

La prochaine édition des Rencontres i se déroulera du 6 au 21 mars 2009, sur le thème : "Essaimer" ("et s'aimer ?"). Pour préparer cet évémenent, Antoine Conjard, directeur de l'Hexagone Scène Nationale de Meylan et Eliane Sausse, Directrice du département Arts/Sciences, ont convié le "Labo i" à une journée de séminaire autour de 3 artistes : Oskar Gomez Mata et Luc Chareryon, hommes de théâtre, et Olivier Darné, plasticien "graphiculteur". L'occasion pour la trentaine de participants du Labo i de "brainstormer" sur le concept d'essaimage...

Et s'aimer sur le plateau ? Pour OGM (Oskar G. Matta), "essaimer" c'est "aller vers les gens", "rendre la poésie au public", lui faire vivre des expériences inédites, sensibles, sensuelles, interactives. L'auteur de "Optimistic/Pessimistic", Basque espagnol résidant à Genève, propose actuellement des expériences de plusieurs heures au public, à la limite du théâtre. Il s'agit de mettre les gens "en condition", en les plongeant dans le noir sous le regard (?) d'un aveugle, puis de les emmener dans une seconde salle, puis un troisième. Une expérience qu'Antoine Conjard souhaite proposer au public grenoblois en 2009. L'autre homme de théâtre invité, Luc Chareyron, remporte un succès certain avec son dernier spectacle, "Eloge de la pifométrie" (voir le site web dédié : pifométrie.net). Pince-sans-rire, ce comédien-ingénieur, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de Pifométrie (EPIF) nous a servi une conférence hilarante sur le thème : "Lui, c'est pas la moitié d'un con" (voir photo). Côté essaimage, ce fut un peu court - ce qui n'enlève rien au talent du bonhomme ni au message de son oeuvre : réhabiliter le libre arbitre, le savoir non expert, l'à peu-près de bon sens... Au fait, c'est combien un chouïa ?

"Il est béton ton miel". Le clou de la journée fut néanmoins la rencontre avec Olivier Darné (photo, les yeux fermés). Jeune artiste plasticien diplômé en Arts Appliqués, Olivier Darné est le créateur d'une nouvelle discipline à la croisée de l'art et l'apiculture : la "graphiculture". Difficile de résumer son intervention tant le bonhomme est bavard (allez regarder son interview sur Arte-TV). Lui-même résume son histoire personnelle comme "un dérapage dans le miel". Le truc d'Olivier, ce sont les abeilles. On ne pouvait rêver mieux pour une journée de réflexion sur le thème de l'essaimage ! Olivier Darné produit donc du miel (le miel "Béton", cf photo) mais en ville, à Saint-Denis (93). Il a, entre autres, installé 45 ruches sur le toit de l'Hôtel de ville de Saint-Denis - ce qui représente environ 4 millions d'abeilles, pour une ville de 80 000 habitants. Aucun danger pour la population évidemment, car les abeilles ne s'intéressent pas aux humains mais exclusivement aux fleurs... Et dans cette proche banlieue parisienne, incroyable mais vrai, ce ne sont pas les fleurs qui manquent !

Le parti poétique. Ce miel béton est très goûteux (nous avons eu droit à une dégustation). Son analyse par des chercheurs du CNRS a même révélé sa complexité aromatique inattendue - les chercheurs l'avaient rangé dans la catégorie "miel d'équateur" !!! Pour Olivier Darné, ce miel est à l'image de la population de Saint-Denis, un brassage de culture et de graines de plus de 40 pays différents. Autre caractéristique troublante : la production de miel urbain est 4 à 5 fois plus importante que la production de miel rural, une information qui bouscule nos schémas classiques opposant "nature" à "culture". "L'erreur est urbaine" se plait à dire et à afficher sur la voie publique Olivier Darné, plus intéressé par le changement de point de vue sur la ville apporté par les abeilles que par le commerce du miel en lui-même. Ce "pollinisateur urbain" a d'ailleurs créé "Le Parti Poétique" (voir site web), une association dont la devise est : "semer des fruits dont nous récolterons les graines plus tard".

Objectif 2009. Inutile de dire que le sieur Darné a bien fait mouliner nos neurones. Essaimer, butiner, polliniser... autant de pistes pour la programmation des prochaines Rencontres i - et en attendant, toute un série d'actions en préparation. "Fertilisations croisées", écrivions-nous, Antoine et moi, dans le premier numéro de la Revue i. Nous déroulons donc toujours ce fil de l'agriculture à la culture, du terroir au territoire. Métaphore, mode d'emploi, mot d'ordre, "essaimage" sera bien au coeur de la 5ème édition de ce festival de l'étonnement qui prétend marier dans l'imaginaire les arts, les sciences et le monde du travail. Parce que l'essaimage n'est pas une simple copie, ni un pale clone, si Olivier Darné est de la partie pour 2009, ce ne sera pas pour dupliquer ces expériences graphicoles de Paris, Roubaix ou actuellement Marseille, mais bien pour tisser avec nous une nouvelle "zone sensible". "Time is honey" comme il dit - "Wait and bee" sommes-nous tentés d'ajouter. ;-)
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Pour en savoir plus sur le travail d'Olivier Darné : lire et écouter l'interview sur le site du Conseil Général de Seine Saint Denis.
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Et en bonus : "Chanteur de ruche"



Bientôt à l'Hexagone ? :-)