La 19ème conférence annuelle du réseau européen ECSITE s'est déroulée du 29 au 31 mai dernier, dans les locaux du Muséum d'Histoire naturelle de Budapest (Hongrie). L'occasion de faire un état des lieux des pratiques et réflexions en cours dans les musées et "centres de science" (=CCSTI en français) de Lisbonne à Vantaa (Finlande), avec des regards de New York, Rehovot (Israël), ou encore Bhopal (Inde).
Les centres de science, complices de la normalisation du monde ? Premier constat, en découvrant les stands ou animations proposés par des centres de science de différents pays : un curieux sentiment de standardisation. Bien sûr, "la science ne connait pas de frontière", et sa dimension universelle - bien que soumise continuellement à la critique - paraît encore s'imposer, malgré la diversité des cultures. Cependant, en matière de culture scientifique, il est intéressant de constater qu'un modèle domine largement, celui de l'Exploratorium et du "hands-on museum", très anglo-saxon, dont on retrouve à peu près les mêmes manips partout. "Quand un modèle fonctionne, pourquoi vouloir en trouver un autre ?" nous dit l'avocat du diable. Certes. Mais d'un autre côté, le risque de cette normalisation, serait de réduire les modes de médiation à un seul, parfois très éloigné de la culture locale, et considérer que tous les Terriens raisonnent (et apprennent, et comprennent, et s'interrogent...) de la même façon. Cette question de la prise en compte de la diversité culturelle dans les centres de science a été discutée dans l'atelier du vendredi matin, qui se déroulait dans la "salle rose" du Muséum, et qui était intitulé : "Socially engaging exhibits" [manips favorisant les interactions sociales]. Wendy Pollock, responsable des expositions et des publications à l'ASTC (Washington DC, USA - profil complet sur exhibitfile) a fait un brillant exposé sur ce thème, s'appuyant sur des exemples rassemblés dans son dernier ouvrage "Visitor voices in Museum Exhibitions". Pour ne pas transformer les centres de science en Mac Donald's de la culture scientifique...
Combien de Français ? Parmi les 800 participants à cette conférence annuelle, 80% viennent d'un pays de l'Union Européenne. En tête : les Anglais, avec 100 personnes inscrites, puis les Italiens (qui assurent la Présidence de ECSITE actuellement et s'apprêtent à accueillir, à Milan, la conférence annuelle de l'an prochain), les Allemands et, en 4ème position, les Français. [cliquer sur le graphique ci-dessous pour lire la répartition des participants selon les pays]
Parmi la "délégation" française, entre guillemets car non formelle, chacun faisant bien ce qui lui plait, un gros tiers est issu de la Cité des Sciences et de l'Industrie [voir graphique ci-dessous], le reste s'éparpillant entre organismes nationaux (Muséum, Cité de l'Espace, Palais de la Découverte), services universitaires (Montpellier, Strasbourg) et presque exclusivement des CCSTI thématiques (Nausicaa, Le Vaisseau, Palais de l'Univers), à l'exception du Forum des Sciences (Villeneuve d'Ascqu, 59) et du CCSTI Grenoble. Hormis la Cité des Sciences, chaque structure est représentée en moyenne par 1 ou 2 collaborateurs. Bien que déformée, cette image me semble représentative d'une certaine réalité du microcosme de la CSTI française : l'imposante présence de la Cité des Sciences, dans tous les domaines, avec un émiettement d'acteurs aux moyens notablement inférieurs...
"When science meets hooligans: how to manage the opposition of radical groups" A l'invitation de mon ami Guglielmo Maglio, chef de projet "Sciences et société" à la Fondation IDIS-Città della Scienza à Naples (Italie), je suis intervenu dans un atelier du vendredi après-midi, à propos des "hooligans", c'est-à-dire des opposants radicaux à certains développements scientifiques et technologiques contemporains. J'ai présenté le cas grenoblois des opposants aux micro et nanotechnologies [voir le support de ma présentation ci-dessous]. Une "failure story" finalement (histoire d'échec), car nous n'avons jamais réussi à établir le contact avec ces opposants, autrement que par invectives dans la rue... Mais est-ce vraiment le rôle des CCSTI que d'aller vers les militants anti-science les plus radicaux ? Je n'en suis pas convaincu. A mes côtés, Rosina Malagrida, du Parc Scientifique de Barcelone, a exposé les difficultés qu'elle a rencontrées avec des opposants Catalans à deux reprises : lors d'une exposition sur les thérapies géniques, et lors du projet Nanodialogue. Enfin, pour changer de style d'opposants, et passer des anarchistes et deep ecologists aux intégristes catholiques, Michele Lanzinger, directeur du Musée des Sciences Naturelles de Trente (Italie) nous a raconté la mésaventure, hélas maintes fois entendues, de son exposition sur l'évolution de l'Homme "La scimmia nuda" (Le singe nu). A la veille de l'année Darwin, on mesure l'ampleur du travail qui reste à accomplir ! Dans le débat qui s'est ensuivi, un collègue du Centre for Life (Newcastle), nous a conseillé de "sortir discuter au café [au pub] avec les opposants, et de ne pas les qualifier de hooligans"... Je peux témoigner que même au bar, ils refusent la discussion - et je ne les ai pourtant jamais qualifié de hooligans !
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Si rencontrer d'autres pratiques et d'autres manières de voir les rapports entre sciences et société vous intéressent, rendez-vous en juin 2009, à Milan, pour la 20ème conférence annuelle du réseau ECSITE ;-)
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Pour en savoir plus : www.ecsite.net
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